Il ne s'agit alors plus pour l'artiste d'interroger les grands mythes de notre temps… Les mythes qu'elle livre sur la toile sont bien les siens et l'analyse est très personnelle, enfouie en elle.
"Pour Roselyne Bruno, les trains de nuits ou l'appareil photo contiennent un mythe et son pouvoir d'attraction ; le but du tableau est d'aller au bout du pouvoir mythique et donc s'en débarrasser", écrit Daniel Planells.
L'heure est à l'épreuve, à la mélancolie, au retour sur soi, à la reflexion. Empreinte d'une poésie grave et salvatrice, l'artiste nous emporte dans le filtre gris de son questionnement. Quelques touches de couleurs osent colorer ce gris obsédant mais poétique et délicat. Le monde fantastique demeure, les personnages se figent : sphinx de pierre, mi-hommes, mi-rapaces. Les réponses viennent peu à peu... redonnant de la couleur et de la vie à l'ensemble. La vie reprend le dessus.
"Imaginez les mannequins d'une vitrine de mode parisienne du début du siècle, ou encore une loge d'opéra rouge pourpre où la lumière des projecteurs nous fait surprendre l'intimité amoureuse de trois couples en costume d'apparat : les robes des femmes aux tonalités délicates, les hommes à l'élégance surannée, vêtus de sombre… De cette composition, une impression funèbre se dégage… l'on entrevoit alors les silhouettes éclairées par la lueur d'un réverbère plongé dans la nudité d'une nature hivernale.
L'obscurité les entoure comme les trois silhouettes masculines, puis leurs mains, irrésistiblement attirée par leur taille, leurs épaules, leur cou… La structure même de l'échoppe d'ébène prend alors l'allure d'un cercueil, les personnages se figent, les visages déjà émaciés des hommes perdent leur consistance matérielle. La vie semble peu à peu les quitter.
"Les Jardins secrets" est une allégorie de la vie du vêtement d'apparat, du pouvoir de séduction que toute femme rêve d'exercer grâce à cette parure – les trois mannequins prennent les traits singuliers de trois femmes au teint frais dont les regards et les sourires nous attirent… "Les jardins secrets" sont aussi l'évocation de la vie du costume, de sa naissance dans la boutique, sur le mannequin à la femme qui le choisit. Témoins de nos vies, de nos joies comme de nos peines, ils renferment au plus profond d'eux nos "Jardins secrets" qui s'évanouissent à tout jamais le jour de notre mort."
Roselyne Rosso-Bruno cherche plus à exprimer ce qu'elle a au plus profond d'elle-même qu'à séduire... Et pourtant, le charme opère très vite : C'est le secret du vrai, de l'authentique. Sans effet factice, son univers pictural est vivant, sa palette est riche et colorée. Ses visages accrochent le regard. Le peintre maîtrise ses pulsions et canalise ses fantasmes pour aboutir à une forme de sérénité tout en laissant libre cours à son imaginaire et à ses angoisses. Le trait est souvent épais comme pour renforcer le caractère de ses personnages : la toile se lit tantôt comme un rêve éveillé, tantôt comme un poème, tantôt comme une petite pièce de théâtre, ou une danse.
Attachée au sens de ses œuvres et à ce qu'elle veut exprimer, Roselyne Rosso-Bruno prend la peine et le plaisir surtout de nous le faire découvrir, de l'expliquer à son public. Et il le lui rend bien ! Car son public se complaît à s'approprier cette richesse de symboles et d'évocations… qu'elle puise de ci de là, au gré de ses lectures, de ses voyages, de sa culture, cela peut être dans un roman d'Emile Zola, tel "Puits mitoyen", inspiré de La fortune des Rougons, où deux jeunes amoureux voient leurs visages réunis se refléter dans l'eau profonde d'un puits. Elle revient parfois aux grands mythes qu'elle a autrefois traités avec "Le chevalier Cathare", assis devant les ruines de la citadelle de Roquefixade en compagnie des loups. Une toile forte en symboles. Ce qui le protège ? Ses genouillères d'or - les restes de son armure -, et la corne de licorne dont il est coiffé, symbole de courage.
Influencée par le vieux Paris, J.-L. Avril écrira dans le n°41 de Univers des Arts en 1999 : "De retour à Paris, l'artiste aixoise y expose avec talent et poésie l'amour d'un Paris à l'âme moyenâgeuse où la mémoire des petits métiers : l'oublieux (NDLR : qui hantaient les rues à une heure tardive pour prévenir les passants du danger) par exemple, celle des rues au nom pittoresque qui nourrissent son imaginaire : rue Brèche au loup, rue Porte au foin… Elles sont souvent le départ d'une toile où tour à tour rôde l'esprit de François Villon ou celui de Victor Hugo. A voir, pour rêver… longtemps."
La Provence – octobre 2001 par Isabelle de Méré : "Sous le pinceau de Roselyne Rosso-Bruno, Aix devient le théâtre de scènes épicuriennes vives et colorées. Entre les conversations animées du marché de la place Richelme, face aux atlantes complices de la librairie Vents du sud ou au café du Forum, surprenant un rendez-vous d'amoureux, l'artiste transpose avec humour et réalisme des scènes de rues et de quotidien. […] Mais quand elle s'évade d'Aix, c'est pour nous conter des histoires romanesques dans des lieux où souffle l'esprit. Venise, la mythologie grecque […] Elle devient alors ce peintre onirique qui fait revivre contes et légendes. La nuit devient ainsi le théâtre de chevauchées fantastiques, de fêtes, de danses allégoriques et de rencontres étranges. Objets et statues s'animent et se font "l'écho des murailles" avec "Mandragore", la plante du Moyen-Age aux racines humaines. Là, sur un pont de Venise, la statue de Goldoni croise une femme à "l'Eventail", titre de l'une des pièces de l'auteur comique italien. Plus loin, on célèbre Hécate, déesse lunaire tricéphale de la mythologie et gardienne des portes, considérée comme la divinité de la magie et des enchantements. […]
Roselyne Rosso-Bruno ne serait-elle pas elle-même cette "magicienne de la peinture qui transforme tout ce qu'elle touche en or le plus pur, au-delà de nos rêves les plus fous ?", comme l'écrit son ami le peintre Louis Frégier.
Ce sont des images et des histoires à la fois mystérieuses et poétiques puisées dans son imaginaire qui guident son inspiration… Dans "La nuit a aussi ses Quartiers", dès la nuit tombée, le marchand de poupées, à la manière de Don Juan, rassemble ses conquêtes… Avec "La nuit se dénude", une femme nue, de dos cherche les effets qui vont l'embellir et la transporter dans un lieu de fête : une image sensuelle de la nuit qui a des pouvoirs de transformation sur les êtres… Un peu plus loin, la femme parée et masquée de "L'esprit de la forêt" peint et donne la vie à des papillons grâce à un rayon de soleil qui traverse une loupe et du vin, symboles de vie…
Dans un esprit plus surréaliste, avec "L'harmonie", un couple se fond voluptueusement avec la musique et l'instrument qu'ils écoutent, chaud et doré, comme l'amour.
Influencée fortement par les grands maîtres tels que Delacroix – dont elle fait notamment le portrait -, peut-être se reconnaît-elle dans cette fougue qui le caractérise, cette force dans le trait et dans la couleur.
"[…] l'artiste, dans son ivresse communicative, paraît dotée d'un sens perceptif capable de mettre en évidence le sensualisme dans une atmosphère contemplative expressionniste." Thierry Sznytka
L'exotisme et son cadre luxuriant est l'occasion de magnifier la femme. Dans "Olympe et les félins", Roselyne Rosso-Bruno emmène son public dans un monde nouveau, un monde exotique. Dans cette œuvre, ce sera la jungle et ses félins, où elle mettra en avant la beauté mais aussi le danger de ce décor, notamment dans "Le festin de l'araignée" d'après l'œuvre du compositeur Roussel.
Viendra ensuite la Martinique qu'elle a l'occasion de peindre et où elle expose. Dans cette végétation luxuriante qui lui est propre, la femme telle "La charmeuse de serpent", sera magnifiée, que ce soit au "Marché de Saint-Pierre" ou ailleurs. Des visages et des paysages peints sur le vif, une atmosphère qu'elle capte et retranscrit à merveille.
En guise de conclusion, la critique de la toile intitulée "Le fauteuil magique" est comme une allégorie de l'état d'esprit de Roselyne Rosso-Bruno et de son œuvre. “Cet objet familier et merveilleux m'évoque le monde imaginaire des métamorphoses “où tout peut advenir...” des objets anodins s'animent tel ce fauteuil qui prend figure humaine tout en se fondant au monde végétal qui l'entoure, les pieds prenant la forme de l'alkékenge ou coqueret, végétal appelé joliment “amour en cage”.
Le seul personnage réel de cette scène n'échappe pas à cette transfiguration : la légèreté des teintes mélée au mouvement de la chevelure et la jeune fille plongée dans les bras de Morphée nous projette sans ambages dans le monde éthéré du rêve et de la volupté. “La puissance du désir modifiant l'univers et nous-mêmes qu'il embellit du même élan”.
Cette toile peut être interprêtée comme un hymne au rêve, à l'importance et à la puissance de l'imaginaire qui est seul apte à nous évader naturellement de la réalité dont nous sommes tous prisonniers.”
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Fontaine de la mairie femme en rouge
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